

Coupures de câbles en mer Baltique fin 2024 : la justice finlandaise se déclare incompétente
Un tribunal finlandais s'est déclaré incompétent vendredi pour décider du sort d'un capitaine et de deux officiers d'un navire appartenant à la flotte fantôme russe, accusés d'avoir volontairement sectionné des câbles en mer Baltique fin 2024.
"Il n'était pas possible d'appliquer le droit pénal finlandais dans cette affaire", a précisé le tribunal de district de Helsinki dans un communiqué.
Le procès s'est tenu en août et septembre dans la capitale finlandaise. Les trois membres d'équipage, retenus dans le pays pendant la procédure, ont été autorisés à quitter la Finlande. Le pétrolier Eagle S est immatriculé aux îles Cook.
"Ce sont les tribunaux de l'État du pavillon du navire ou de l'État d'origine des prévenus qui avaient compétence pénale en la matière", a ajouté le tribunal.
Accusant les membres de l'équipage de "délit aggravé et perturbation aggravée des communications", les procureurs avaient requis au moins deux ans et demi de prison ferme.
Le capitaine Davit Vadatchkoria (Géorgie), et les officiers supérieurs Robert Egizaryan (Géorgie) et Santosh Kumar Chaurasia (Inde), étaient accusés d'avoir laissé traîner l'ancre du navire sur le fond marin sur environ 90 kilomètres, endommageant cinq câbles sous-marins dans le golfe de Finlande le jour de Noël 2024.
- Sabotage présumé -
Les procureurs finlandais ont affirmé qu'ils avaient intentionnellement manqué à leur devoir d'assurer une navigation sûre, après avoir quitté le port russe d'Oust-Louga. Les marins ont nié les accusations tout au long du procès et plaidé en faveur d'un accident.
"Le tribunal ne s'est pas laissé influencer par les pressions politiques pour rendre un verdict de culpabilité", a salué le capitaine Vadatchkoria, interrogé vendredi par la chaîne Yle. Pour lui cette affaire est une preuve du respect du principe de l'Etat de droit par la Finlande.
Le câble électrique EstLink 2 et quatre câbles de télécommunications reliant la Finlande et l'Estonie avaient été endommagés dans cet incident, qui s'ajoute à d'autres dégradations de câbles sous-marins survenues dans la Baltique les mois précédent.
Ce jour de Noël 2024, une opération d'arraisonnement d'une ampleur inhabituelle avait été menée par les autorités finlandaises, suivie de la saisie du navire.
Le Premier ministre finlandais Petteri Orpo avait autorisé l'interception du pétrolier, permettant aux gardes-frontières "d'utiliser tous les moyens à leur disposition", a-t-il déclaré la semaine dernière à CBS.
Des experts et dirigeants politiques considèrent que ce sabotage présumé s'inscrit dans le cadre d'une "guerre hybride" menée par la Russie contre les pays occidentaux, sur fond de tensions croissantes en mer Baltique depuis l'invasion de l'Ukraine en 2022.
Selon une liste établie par l'UE, l'Eagle S appartient à la flotte fantôme russe, utilisée par Moscou pour vendre son pétrole en échappant aux sanctions imposées par les alliés occidentaux.
- Frais de justice -
L'éventuelle responsabilité russe n'a pas été évoquée lors du procès en Finlande.
La compétence du pays nordique dans cette affaire s'est posée dès le début du procès.
La défense l'excluait car les ruptures de câbles se sont produites en dehors des eaux territoriales finlandaises.
L'accusation, en revanche, jugeait la Finlande compétente en raison du risque que l'incident a fait peser sur ses infrastructures critiques.
La cour a estimé vendredi que les perturbations de l'approvisionnement énergétique n'étaient pas suffisamment graves au regard des critères posés par la loi.
L'État finlandais devra en revanche payer les frais de justice des accusés, qui s'élèvent à près de 195.000 euros.
La Finlande et la Suède ont rejoint l'Otan après l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, et l'alliance militaire a renforcé sa surveillance et sa présence en mer Baltique à la suite de ces incidents.
L.Saliba--JdM